5 – Des centres relais en France ?

5-1 – Qu’attendre d’un réseau de centres relais ?

Les centres relais en France et les objectifs à atteindre, selon l’Unisda :

  1. L’accessibilité totale, pure et simple, de toutes les communications téléphoniques, en temps réel. Un réseau de centres relais devra avoir pour mission d’assurer l’accessibilité de toutes les communications téléphoniques, sans restriction. Il ne faudra pas avoir à se poser la question de savoir si tel ou tel type d’appel peut relever d’un centre relais téléphonique. Qu’il s’agisse d’un appel « nécessaire » ou d’un appel « de confort », le centre relais tous les appels, quelles que soient leurs durées. L’accessibilité téléphonique doit s’envisager de manière absolue pour permettre aux publics de personnes sourdes ou malentendantes l’usage de l’outil téléphonique comme n’importe quel autre usager entendant peut le faire.
  2. L’accessibilité téléphonique gratuite. Le coût de cette accessibilité ne doit pas être supporté par l’usager sourd ou malentendant. Seul le prix des communications doit lui être facturé, comme pour n’importe quel autre usager.
  3. L’accessibilité téléphonique permanente. SI cette accessibilité est absolue, elle doit également être assurée 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, quel que soit l’interlocuteur contacté, quel que soit la durée de l’appel.
  4. L’accessibilité téléphonique adaptée à tous les publics de personnes sourdes ou malentendantes. Un réseau de centres relais doit pouvoir répondre aux besoins de communication adaptée de tous les publics concernés : par la transcription écrite, par l’interprétation en Langue des Signes Française, par le codage en Langue française Parlée Complétée. Les formules mixtes (type Captel) doivent également être proposées.
  5. L’accessibilité téléphonique simple d’usage. La technique nécessaire pour contacter les centres relais doit rester simple à installer et à manipuler : Internet, minitel ou téléphone mixte pour la transcription écrite, webcam ou caméra raccordée à l’écran de télévision pour les liaisons vidéos, usage possible du téléphone mobile.
  6. L’accessibilité téléphonique répondant à des exigences de qualité. Les centres relais labellisés doivent être soumis au respect de règles de qualité définies par les représentants d’usagers et les Pouvoirs publics : qualification des téléopérateurs, règles de déontologie, durée de la prise en compte de l’appel, vitesse et qualité de la transcription écrite, etc.

5-2 – Quel financement ?

La mise en place d’un tel réseau de centres relais engendrera des coûts importants. La question du financement se pose donc dès à présent.

Budget de l’État ? Mécénat ? Financement du service par l’usager (ce qui est écarté par la définition des centres relais par l’Unisda) ? Financement par le service universel du téléphone ?

Le service universel garantit à chacun le droit de bénéficier de la téléphonie fixe en tout point du territoire et à un prix raisonnable. Le service universel comprend également l’accès à un service d’annuaire. (directive « service universel » – directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques – JOCE n° L 108, 24 avril 2002, p. 51)

Le service universel est assuré par un opérateur sélectionné sur appel d’offre (sous l’autorité du ministère chargé des communications électroniques). Son financement est prévu par un fonds auquel participe l’ensemble des opérateurs de téléphonie.

Le financement par le service universel est, selon nous, la piste la plus logique : le service universel est censé garantir à tous l’accès à la téléphonie fixe, ce qui n’est justement pas le cas de nos publics.

À cet égard, le mode de financement des centres relais choisis par les États-Unis est particulièrement séduisant : tous les abonnés au téléphone sont mis à contribution : sur chaque facture de téléphone, l’équivalent de deux dollars par an est prélevé pour abonder le fonds dédié aux centres relais et géré sous l’autorité de la FCC.

Essayons ici d’imaginer ce qu’un tel mode de financement dégagerait comme moyens pour un réseau de centres relais. Le rapport annuel 2005 de l’ARCEP fait apparaître (approximativement) 48 millions d’abonnés à la téléphonie mobile et 34 millions d’abonnés à la téléphonie fixe, donc un total de 82 millions d’abonnés au téléphone.

Supposons une contribution annuelle de 50 centimes d’euro par an pour chaque abonné, 82 millions d’abonnés * 50 centimes d’euro = 41 000 000 euros.

Supposons une contribution annuelle d’un euro par an pour chaque abonné, 82 millions d’abonnés * 1 euro = 82 000 000 euros.

Supposons une contribution annuelle d’un euro et cinquante centimes par an, 82 millions d’abonnés * 1,5 euros = 123 000 000 euros.

Supposons une contribution annuelle de deux euros par an, 82 millions d’abonnés * 2 euros = 164 000 000 euros.

Et ainsi de suite…

5-3 – Quels profils de téléopérateurs ?

Isabelle Lombard, présidente de l’AFILS (Association Française des Interprètes en Langue des Signes), en lien avec les représentants des codeurs en LPC et des techniciens de l’écrit.

« La mise en place des centres de relais devrait permettre de rendre accessibles à toutes les personnes sourdes les communications téléphoniques. Pour que cette communication réponde pleinement aux besoins de tous les sourds et à toutes leurs spécificités communicationnelles, il faut réfléchir avec soin au profil des professionnels qui interviendront durant ces communications. Pour nous, il ne fait aucun doute que tous ces professionnels, interprètes, codeurs, techniciens de l’écrit, devront être formés, diplômés, expérimentés, et devront répondre à un même code déontologique, respectant la neutralité, la fidélité et le secret professionnel (cf. le dépliant « Interprète Mode d’emploi » de l’Association française des interprètes en langue des signes)

L’utilisation de nouvelles technologies va bouleverser nos façons de travailler, pour nous interprètes en Français/Langue des Signes Française, qui avons l’habitude de travailler en présence des locuteurs, sourds et entendants, en utilisant une langue « spatiale » en 3D. Face à un écran et donc une image en 2D, il faudra un temps d’adaptation et une formation spécifique. Cette réflexion, déjà entamée par le service d’interprètes de Toulouse « Interpretis » qui travaille en collaboration avec Websourd sur le système de Visio-interprétation, devra se poursuivre afin d’établir une charte commune à toutes les professions qui interviendront dans ces services de relais.

L’ouverture de ces centres 24h sur 24, et 7 jours sur 7, demandera la présence d’un nombre important de professionnels devant se relayer régulièrement.

La question des conditions de travail et de la rémunération dans ce cadre nouveau pour nous tous, interprètes, codeurs et techniciens de l’écrit, doit dès aujourd’hui être étudiée, et s’inspirer de ce qui se fait dans les autres pays d’Europe et aux USA.

Quand au nombre de professionnels, les interprètes en français/ langue des signes française, n’avoisinent que 250 pour environ 800000 sourds signeurs (chiffre approximatif et non officiel), nombre trop insuffisant encore pour répondre à toutes les demandes. Un plus grand nombre de formations universitaires, de niveau Master (bac+5) devra être mis en place pour répondre aux besoins que les centres de relais draineront. Les besoins seront sans aucun doute de plus en plus nombreux car ces centres de relais permettront enfin, par le biais de professionnels, à des entendants et des sourds de communiquer. »

5-4 – Et les appels d’urgence ?

La loi du 11 février 2005 prévoit que les appels d’urgence doivent être accessibles. Un décret simple est en cours de rédaction pour définir les modalités de cette accessibilité.

La spécificité des appels d’urgence (15, 17 et 18, ou le 112) justifie la mise en place d’un centre d’appel national spécifique. En effet,

  • les appels d’urgence sont traités par des professionnels des situations d’urgence (présence de médecins urgentistes sur place, par exemple),
  • les appels d’urgence sont traités au niveau départemental et, sauf en se contentant de situations de bricolage tel que le fax à un numéro spécialement dédié et différent des numéros communs, il n’est pas réaliste d’envisager la mise en place de centres spécifiques dans chaque département,
  • l’enjeu de cette accessibilité est de pouvoir contacter ce centre d’appel par tous les moyens de communication à disposition : téléphone, fax, SMS, vidéo, messenger, email, etc… À charge ensuite à ce centre d’appel de répercuter la demande au centre départemental tout en maintenant le contact avec la personne sourde en situation d’urgence.

5-5 – Les porteurs de projets recensés à associer au chantier de mise en œuvre d’un réseau de centres relais en France

Nous laissons ici la possibilité aux porteurs de projets qui ont participé aux travaux de notre comité de pilotage de présenter leur démarche et l’ambition de leur projet. L’ordre de présentation et le volume des contributions ne révèlent aucune hiérarchisation.

WebSourd : François Goudenove

Le concept global :

« WebSourd envisage le centre relais comme la combinaison de deux offres, une offre technologique permettant de contacter la liaison avec le centre et une offre de prestation exécutée à travers cette offre technologique.

L’offre technologique actuelle de WebSourd nécessite une connexion internet puis la mise en relation avec une plateforme de visioconférence (e_visiophony) développée par France Telecom et répond à une attente de service pour des entreprises ou des services publiques.

Cette offre s’appuie sur des normes techniques internationales (H323) et est compatible avec tout système qui respecte ces normes.

L’offre actuelle n’est cependant pas adaptée à une utilisation individuelle tant que les utilisateurs ne seront pas équipés de terminaux à domicile compatible de cette offre technologique.

WebSourd intègrera d’autres supports technologiques (dispositif compatible avec la télévision, connexion directe à partir de l’ordinateur etc …) dès lors que ce support répond à un cahier des charges précis en termes de qualité et de sûreté des échanges, mais aussi en termes de simplicité des équipements et de leur maintien en service.

L’expérience acquise par WebSourd depuis 4 ans, nous a permis d’élaborer ce cahier des charges et d’en évaluer les besoins de partenaires et les coûts associés Des partenariats spécifiques seront développés avec les fournisseurs et opérateurs de service concernés, au fur et à mesure des évolutions technologiques.

Un point fondamental est l’architecture de l’offre commerciale. Il faut en effet pouvoir gérer une offre de service qui s’adresse à des individus et son financement par des structures publiques ou parapubliques. WebSourd possède une expérience essentielle dans e domaine et peut s’appuyer sur des partenaires éprouvés dans le cadre de ses réseaux. Une grande souplesse de gestion sera nécessaire et il faudra pouvoir offrir plusieurs mécanismes de financement. Par exemple, des discussions sont d’ores et déjà engagées autour de concepts de chèque interprètes avec notre associé le groupe « chèque déjeuner ».

La prestation :

WebSourd anime, d’ores et déjà, un réseau d’interprètes disponibles en lignes à travers un équipement matériel spécifique et une organisation de service. Cette organisation permet de gérer une montée en charge du service et une souplesse d’adaptation des horaires, qui pourra évoluer au cours du temps si cela s’avère nécessaire.

Des relevés statistiques et un système d’anticipation des besoins seront développés pour gérer au plus prés l’évolution de la demande. Il est proposé de mettre en place un dispositif d’évaluation permettant de faire évoluer et d’adapter le service en fonction des besoins constatés.

Qualité de service d’interprétation et les interprètes du plateau :

WebSourd est très attentif à la qualité de service et s’appuie pour cela sur des partenaires éprouvés. Le référentiel suivi par WebSourd est le code de déontologie édicté par l’Association Française des Interprètes en Langue des Signes (AFILS – annexe code éthique).

Les trois grands principes déontologiques adoptés par l’ensemble des interprètes du monde sont : Secret professionnel, Neutralité, Fidélité au message. La transparence est l’objectif à atteindre. Elle signifie que les locuteurs en présence ont instauré une relation telle que la présence de l’interprète est oubliée.

Pour s’assurer que les interprètes intervenant sur le plateau développent une maîtrise et un savoir faire reconnus, ils feront l’objet d’une formation spécifique et d’un suivi de compétences qui sera formalisé par une convention de partenariat.

WebSourd et Interpretis ont d’ores et déjà qualifié deux autres services d’interprètes pour intervenir sur le plateau. Cette solution « réseau » d’interprètes nous semblent aujourd’hui la mieux adaptée dans le contexte français ou la ressources en interprétation de qualité est trop rare et extrêmement mal réparti sur le plan géographique.

Ce système de « réseau » permet à des structures d’interprètes de se développer localement sur des territoires autres que la région parisienne et de contribuer à temps partiel au plateau WebSourd Cette approche a également une autre vertu qui est de respecter le métier d’interprète et de privilégier la qualité du service. Les interprètes intervenant sur le plateau maintiennent leur niveau aussi par la pratique du métier en dehors du plateau (hors caméra et hors micro).

Autre prestation relais : Truchement écrit

WebSourd propose d’animer avec son partenaire RISP une autre prestation recourant à l’écrit pour les personnes sourdes ou malentendante ne pratiquant pas la langue de signes.

Cette prestation reste à définir et évaluer sur le terrain. Il est cependant très clair que ce ne seront pas des interprètes de langue des signes qui assureront cette prestation et le choix de WebSourd est de proposer à l’utilisateur des options différentes (LSF ou truchement écrit) qui sont ensuite gérés par des prestataires spécifiques différents. Le développement de cette seconde prestation sera construit avec la même attente en termes de qualité de service et de partenariat éprouvé. »

Viable France : Fanny Corderoy du Tiers

« Je souhaite créer un centre relais vidéo à Paris dès janvier 2007. Ma motivation réside dans le souci de donner les mêmes chances d’égalité, de liberté, d’autonomie et de responsabilité aux personnes déficientes auditives en France et en Europe en profitant des technologies de haut niveau. J’ai vécu dans six pays différents et j’ai pu connaître des réponses différentes à notre handicap face au téléphone. J’ai habité aux États-Unis pendant plusieurs années, et j’y ai obtenu mes diplômes universitaires. Il y existe, depuis 1990, une loi très connue, appelée « American Disability Act » (ADA) qui fournit et garantit les droits d’égalité aux personnes handicapées aux USA. J’ai un frère, sourd comme moi, John YEH qui a créé sa troisième société, « Viable, Inc », en juillet 2006 et qui gère un centre relais vidéo à Rockville dans le Maryland aux États-Unis. (www.viable.net)

Aux États-Unis, ces centres relais se sont développés de manière spectaculaire. La loi « Americans with Disabilities Act » exige que les télécommunications soient être accessibles. C’est ainsi que les centres relais ont vu le jour depuis plus de 20 ans et fonctionnent selon un principe simple : en Langue des Signes par caméra ou par écrit avec le clavier, la personne sourde contacte un centre relais, où un opérateur prend en charge l’appel et contacte, en temps réel, le correspondant entendant pour traduire ou transcrire simultanément la conversation. Aux USA, c’est toute la vie personnelle, sociale et professionnelle des personnes sourdes qui s’en est trouvée révolutionnée, puisqu’elles se retrouvent ainsi totalement autonomes.

Les centres relais vidéo sont populaires aux États-Unis puisqu’ils permettent aux sourds et malentendants de passer leurs coups de fil via une connexion vidéo Internet entre l’utilisateur et le centre de relais vidéo qui est pourvu en interprètes en langue de signes. Le centre relais vidéo permet ainsi des conversations à une vitesse normale.

Depuis que j’habite en France en 1993, j’ai été frappée par le manque d’accessibilité des communications téléphoniques pour les publics de personnes sourdes ou malentendantes. J’ai d’ailleurs été une des rares à bénéficier des services du centre de truchement de France Télécom qui vient de fermer ses portes.

Il n’y a aucun service relais prévu pour les sourds et malentendants en France, alors que l’on connaît les obstacles des personnes sourdes en matière d’emploi. C’est pourquoi j’ai décidé de créer la société « Viable France » en partenariat avec la société « Viable, Inc » pour son expérience et ses solutions d’avant-garde. Mon objectif est de fournir ces services au tarif le plus bas, voire gratuits si un financement adéquat est prévu, toujours pour améliorer la qualité de la vie quotidienne des personnes sourdes ou malentendantes.

L’activité de « Viable France » démarrera avec une expérimentation d’un mois et demi en novembre et décembre 2006 au Centre Relais Vidéo « Viable » aux USA avec 2 interprètes en Langue des Signes Française pour un groupe de 50 personnes sourdes sélectionnées en France. Un questionnaire permettra ensuite un bilan de cette expérimentation. Dans le même temps, nous envisagerons l’installation d’un centre relais vidéo à Paris pour janvier 2007 avec pour objectif l’utilisation de trois services différents : services de relais vidéo, d’interprétation à distance et de sous-titrage en temps réel à distance, ainsi que la vente et la distribution des produits « Viable » au public.

La Société de l’Information ne doit pas être seulement un rêve mais un but à atteindre pour une accessibilité complète et l’égalité pour tous. »

Système RISP : Evelyne Hamon

« Fort de son savoir-faire unique en France, Système RISP entend contribuer à l’accès à la citoyenneté des personnes en situation de handicap auditif.

La vélotypie trouverait légitimement toute sa place dans le cadre de la mise en place de centres relais, dans la mesure où le Velotype permet d’écrire à la vitesse de la parole : ainsi, le texte transcrit serait lisible simultanément à la parole de l’interlocuteur.

Resteraient à définir les modalités d’affichage de ce texte (écran d’ordinateur, écran de téléphone…), ainsi que les modalités d’organisation d’un tel service. »

VUVU Communications : Hassen Chaïeb

« L’objectif de VUVU Communications est de répondre aux attentes des personnes sourdes ou malentendantes en vue de leur autonomie grâce aux apports des nouvelles technologies et de la vidéophonie IP, pour qu’elles puissent communiquer quelque soit leur mode privilégié : LSF, LPC, lecture labiale, voix.

Il s’agira pour moi d’apporter un soutien logistique et technique aux futurs centres relais et à leurs usagers, pour leurs installations et leurs équipements. Cet appui prendra la forme d’un service après-vente, de maintenance et de dépannage, mais permettra également de proposer des abonnements Internet aux usagers avec des Hotlines accessibles. »

Retour sur Centres relais : Recueil de contributions et préconisations de l’Unisda