Accessibilité TV : l’Unisda poursuit sa mobilisation en 2006

Suite à la mobilisation de l’UNISDA dans le cadre du chantier législatif autour de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il incombe désormais aux principales chaînes de télévision de prévoir des « proportions substantielles » de programmes accessibles, et pour certaines d’entre elles, cette accessibilité portera sur la totalité de leurs programmes d’ici 2010.

En 2006, l’Unisda poursuit sa mobilisation : réunions avec le CSA, interpellation des chaînes de télévision, observation des pratiques étrangères, sensibilisation et conseil, etc.

L’ordre du jour de la Commission Nationale Culture et Handicap du 1er juin 2006, en présence du ministre de la Culture et de la Communication et du ministre délégué aux Personnes handicapées, prévoyait un état des lieux de la mise en œuvre de la loi en ce qui concerne les chaînes publiques du groupe France Télévisions (voir courrier à Patrick de Carolis, téléchargeable en bas de page). Le président de l’Unisda a pu rappeler les attentes de nos publics sur la qualité du sous-titrage, la nécessité de recourir davantage à la Langue des Signes Française, le besoin d’intensifier la concertation entre les chaînes et les associations, et l’accessibilité des campagnes électorales de 2007 et 2008. Les deux ministres sont intervenus à plusieurs reprises pour confirmer leur attachement à l’application de la loi en la matière, en particulier en vue de garantir l’accessibilité des prochaines campagnes électorales.

Sous l’autorité du délégué interministériel aux Personnes handicapées, une réunion est programmée en septembre 2006 avec l’ensemble des acteurs concernés : chaînes, CSA, ministère de la Culture, Direction du Développement et des Médias, associations représentatives, etc.

Le congrès 2006 de l’Unisda sera consacré à cette question et aura lieu le samedi 2 décembre 2006 à Paris. Il aura pour principal objectif de faire l’état des lieux de l’application de l’article 74 de la loi et de susciter des engagements de la part des acteurs concernés : gouvernement, chaînes, mais également producteurs et réalisateurs de films de cinéma français, diffuseurs de DVD et annonceurs publicitaires.

Après concertation avec les composantes de l’Union, le président de l’Unisda a adressé un courrier au président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, le 15 mai 2006, pour lui rappeler nos attentes. Extraits :

La loi du 11 février 2005 et son article 74

Depuis la promulgation, le 11 février 2005, de la loi pour « l’égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées », le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel se voit attribuer de nouvelles compétences en matière d’accessibilité des programmes de télévisions aux personnes sourdes ou malentendantes.

L’article 74 de cette loi indique que les chaînes privées hertziennes devront prévoir des proportions substantielles, en particulier aux heures de grande écoute, de programmes accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes. Lorsque l’audience moyenne annuelle de ces services dépasse 2,5% de l’audience totale des services de télévision, cette obligation s’applique dans un délai maximum de cinq ans, à partir du 11 février dernier, à la totalité des programme (à l’exception des messages publicitaires). C’est dans ce sens que vous travaillez à la modification des conventions qui vous lient aux chaînes.

Ce même article prévoit l’obligation pour les chaînes privées non hertziennes de diffuser des proportions de programmes accessibles, en particulier aux heures de grande écoute. Là aussi, lorsque l’audience moyenne annuelle de ces services dépasse 2,5% de l’audience totale des services de télévision, cette obligation s’applique dans un délai maximum de cinq ans, à partir du 11 février dernier, à la totalité des programmes (à l’exception des messages publicitaires). C’est également dans ce sens que vous travaillez à la modification des conventions qui vous lient aux chaînes.

Quant aux chaînes du service public, la loi prévoit que l’obligation d’accessibilité porte sur la totalité de leurs programmes (à l’exception des messages publicitaires) dans un délai de cinq ans, à partir du 11 février dernier. Le Gouvernement devra modifier les contrats d’objectifs et de moyens le liant à ces chaînes.

Enfin, la nouvelle loi prévoit que le CSA et le Gouvernement consulteront chaque année, chacun pour ce qui le concerne, le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH), sur le contenu des obligations de sous-titrage et de recours à la Langue des Signes Française, ainsi que sur la nature et la portée des éventuelles dérogations.

Cette évolution législative répond à une attente très forte des personnes sourdes ou malentendantes et de leurs associations représentatives qui se mobilisaient depuis de longues années pour que l’accessibilité des programmes télévisés soit prévue. En effet, la télévision d’aujourd’hui écarte encore les publics sourds ou malentendants de l’accès à l’information, à la culture, au savoir, au divertissement et donc à la citoyenneté. Avec ce nouvel arsenal législatif, le plus ambitieux d’Europe, la France devrait rattraper son retard en la matière.

Aussi, plusieurs questions se posent encore afin d’envisager l’application de ces nouvelles dispositions dans de bonnes conditions.

Application de la loi : objectifs, moyens et méthodes

En ce qui concerne la modification des conventions et la détermination des proportions de programmes que les services de télévision devront rendre accessibles, il vous appartient de définir les critères qui vous permettront de fixer ces obligations. Il nous semble nécessaire que ces critères (qui seront certainement différents en fonction des chaînes, de leur audience, de leur ancienneté, de leur type de programmes) fassent l’objet d’une grille commune à l’ensemble des chaînes. D’ailleurs, le texte de loi indique une première règle commune à toutes les chaînes : l’accessibilité des programmes aux heures de grande écoute.

Aussi, nous demandons au CSA de nous informer de l’échéancier qu’il prévoit pour procéder aux modifications des conventions. Il nous serait aussi particulièrement utile d’être destinataire de ces avenants aux conventions ou de leurs projets afin de pouvoir vous faire connaître nos réactions. Nous souhaitons également connaître les moyens que le CSA entend mettre en œuvre pour assurer le contrôle de l’application des conventions modifiées. En effet, actuellement, le décompte par le CSA du volume de programmes accessibles par chaîne se fait sur la base des déclarations des chaînes. Or, nous constatons régulièrement qu’un programme qui est annoncé accessible peut-être sous-titré lors des premières minutes de sa diffusion puis ne plus l’être (pour un problème technique par exemple) jusqu’à la fin. Un contrôle s’avère donc nécessaire pour s’assurer que ces programmes finalement non accessibles ne soient pas comptabilisés.

Nous vous suggérons que le décompte des heures de programmes accessibles soit opéré plus régulièrement, par exemple tous les mois, et immédiatement publié, sur votre site par exemple. Cette publication régulière de résultats aurait le mérite d’inciter les services de télévision à davantage de publicité sur les efforts qu’ils fournissent mais permettrait également aux usagers de réagir légitimement auprès de vous sur les chiffres publiés.

Par ailleurs, nous attirons votre attention sur les difficultés rencontrées par de nombreux téléspectateurs sourds ou malentendants pour connaître à l’avance les programmes accessibles, le sous-titrage ne s’active en général pas automatiquement. Nous demandons qu’une signalétique soit mise en place et qu’un pictogramme indiquant l’accessibilité du programme figure à l’écran, à l’instar de la signalétique jeunesse en vigueur.

La qualité du sous-titrage

Les chaînes pourront craindre de rencontrer des difficultés techniques pour réaliser le sous-titrage de certaines émissions, les débats en direct avec plusieurs participants par exemple. Il est possible de sous-titrer tous les types d’émissions. Bien entendu, l’exigence du public sourd et malentendant ne peut pas être la même quant à la qualité du sous-titrage d’un débat en direct ou d’un film programmé plusieurs semaines à l’avance.

C’est pourquoi il convient d’envisager l’élaboration d’un cahier des charges sur la qualité du sous-titrage par type de programme avec un référentiel de normes qui serait commun à l’ensemble des chaînes. Ce référentiel pourra faire l’objet d’une recommandation du CSA. Nous attirons votre attention sur l’urgence de ce chantier.

L’association étroite à l’élaboration de ces normes des associations que nous regroupons, ainsi que d’un panel représentatif d’usagers sourds ou malentendants, nous paraît constituer la meilleure garantie de cette qualité. Celle-ci concerne le fond mais aussi la forme : les sous-titres doivent rendre compte aussi fidèlement que possible des messages oraux et des indications sonores, mais également être lisibles dans les meilleures conditions par tous les publics concernés.

Les contraintes et les dérogations

Certaines chaînes rencontreront de réelles contraintes techniques (voire financières) pour réaliser, par exemple, le sous-titrage d’ici cinq ans d’émissions diffusées en langue régionale (dont certaines n’ont pas de support écrit) ou de décrochages locaux diffusés en direct simultanément dans tous les départements.

Si des dérogations exceptionnelles à l’obligation de sous-titrage doivent être accordées, elles devront l’être au regard de la réponse de la chaîne pour les compenser. En aucun cas, ces dérogations ne doivent permettre aux chaînes de contourner l’obligation d’accessibilité. Ces éventuelles dérogations feront, comme le prévoit la loi, l’objet de la consultation annuelle du CNCPH.

Mais vous pourrez d’ores et déjà suggérer quelques exemples de compensation aux chaînes en leur imposant, en cas d’impossibilité financière avérée dans l’immédiat, de faire figurer dans leur convention leur objectif à atteindre en 2010. Pour cela, les chaînes pourront être invitées à présenter régulièrement, avant 2010, leur investissement dans des programmes de recherche de solutions techniques innovantes et efficaces de sous-titrage et dans des programmes de formation de professionnels du sous-titrage ou d’interprètes en Langue des Signes Française, pour être en mesure de répondre à leur obligation d’accessibilité en 2010. D’une manière générale, aucune contrainte exclusivement technique ne devra être avancée en dehors des cas particulier évoqués plus haut : elles n’existent pas, et aucune obligation ne devra être inférieure à l’accessibilité des programmes aux heures de grande écoute.

Nous rappelons que la grande majorité des personnes sourdes ou malentendantes attend en priorité un sous-titrage de qualité le plus fidèle possible aux messages oraux. Si l’idée de sous-titrage simplifié peut être évoquée dans le but de répondre aux difficultés de lecture de certaines personnes sourdes, il ne s’agit en aucun cas d’une demande généralisée.

Le recours à la Langue des Signes Française

Nous rappelons également la nécessité d’inciter les chaînes à envisager sur le recours à la Langue des Signes Française pour celles des personnes sourdes pour lesquelles il s’agit du principal mode de communication et pour qui l’accès à l’information doit également être assuré. Ce mode d’accessibilité est d’ailleurs mentionné dans la nouvelle loi qui reconnaît également cette langue comme une langue à part entière (article 75).

Aujourd’hui, les chaînes publiques assurent déjà quelques émissions avec ce support : les séances de questions au gouvernement retransmises sur France 3, l’émission « l’œil et la main » sur France 5 et le « flash info » du matin sur France 2, mais cela reste particulièrement insuffisant. Pour que cet accès à l’information soit plus large, il conviendrait donc d’envisager de recourir davantage à la Langue des Signes Française, soit pour traduire des programmes soit pour les présenter directement dans cette langue.

Il s’agit, en particulier, d’encourager la diffusion de journaux télévisés quotidiens du soir traduits en LSF que nous appelons de tous nos vœux pour justement permettre aux plusieurs dizaines de milliers de personnes sourdes, qui ont des difficultés avec l’écrit, de sortir de situations d’exclusion dramatiques face à l’information.

Nous regrettons que les chaînes se retranchent derrière une prétendue difficulté technique pour justifier leur choix de ne pas répondre à cet impératif. Les exemples réussis de l’étranger ne manquent pourtant pas.

TNT et télétexte

Nous attirons votre attention sur l’urgence de veiller à ce que les chaînes de la nouvelle Télévision Numérique Terrestre puissent diffuser un sous-titrage accessible à tous. Par ailleurs, le télétexte – dont nous ne comprenons toujours pas qu’il soit la norme incontournable – est de plus en plus malmené sur les diffusions du câble et du satellite.

Il conviendra également d’encourager les innovations technologiques permettant aux usagers de sélectionner et moduler en toute autonomie la taille de la police du sous-titrage ainsi que la couleur du fond et son contraste. Les exigences des usagers sont différentes, certains souffrant par exemple de difficultés visuelles ne leur permettant pas de bénéficier régulièrement du sous-titrage.

Les scrutins de 2007 et 2008 et l’accès à l’information électorale

Enfin, nous attirons votre attention sur la responsabilité qui est la vôtre en ce qui concerne l’accessibilité de l’information politique et citoyenne. A l’approche des nombreuses échéances électorales de 2007 et 2008, nous vous demandons de bien vouloir rappeler les chaînes à leurs obligations pour vous assurer que les campagnes électorales seront accessibles à nos publics, et ce, au-delà des campagnes officielles. La loi du 11 février 2005 porte justement sur la citoyenneté des personnes. Or, la citoyenneté se traduit d’abord par l’exercice du droit de vote. Pour les publics de personnes sourdes ou malentendantes, il importe donc qu’ils aient accès aux échanges politiques en période de campagne pour être en mesure d’exercer leur droit de vote et leur devoir de citoyen en toute connaissance de cause. Cela suppose que toutes les émissions d’information et de confrontation entre candidats soient accessibles à la fois par le sous-titrage et la traduction en Langue des Signes Française, sans bien sûr qu’une quelconque contrainte technique ne puisse justifier que cela ne soit pas réalisé dès à présent.