Décret jeunes sourds et information des familles

Le décret relatif au parcours scolaire et à l’éducation des jeunes sourds est paru au Journal Officiel du 5 mai 2006. Il est pris en application de la loi du 11 février 2005 et avait l’objet de nombreux débats et discussions entre les pouvoirs publics et l’Unisda, particulièrement mobilisée sur le sujet.

Le texte du décret ainsi que le rappel du texte qui avait été présenté au CNCPH en octobre 2005 sont téléchargeables en bas de page.

Selon l’Unisda, la référence claire au dispositif d’information sur la surdité constituait tout l’intérêt du projet de décret. Or, la version finale n\’y fait plus référence. Dans un courrier du 16 juin 2006, cosigné par les présidents de l’AFIDEO, de l’ALPC, de la Fédération ANPEDA, du BUCODES, du Mouvement des Sourds de France et de l’ANPES, le président de l’Unisda interpelle Philippe Bas, ministre délégué aux Personnes handicapées, pour déplorer l’évolution de la rédaction.

Extraits :

Le décret relatif à l’éducation et au parcours scolaire des jeunes sourds publié au Journal Officiel du 5 mai 2006 fait apparaître des différences avec la version du projet qui avait été soumis à l’approbation du CNCPH lors de la séance du 12 octobre 2005. Le Conseil d’état a dû, semble-t-il, revenir sur certaines dispositions et formulations.

Une des principales avancées du projet de décret, que nous avions saluée et qui avait justifié, en grande partie, l’avis favorable du CNCPH, était la reconnaissance formelle du dispositif d’information spécifique à la surdité, mission assurée aujourd’hui par les centres d’information sur la surdité. Le lien avec les maisons départementales, où le choix des familles du jeune sourd doit être exprimé en ce qui concerne la communication et l’éducation, était intelligemment posé. Cette garantie règlementaire sur la confirmation de la mise en place d’espaces spécifiques à l’information en matière de surdité nous apparaissait nécessaire et fondamentale, un décret devant en préciser le sétatut.

Le congrès de l’Unisda du 8 octobre 2005 a largement exprimé notre attachement à cette garantie réglementaire et vous même ne vous étiez pas trompé en annonçant la confirmation et la généralisation des centres d’information sur la surdité sur tout le territoire avant la fin 2007.

Or le décret paru au Journal Officiel du 5 mai 2006 ne fait plus référence au dispositif d’information sur la surdité et indique que la maison départementale des personnes handicapées assurée cette information auprès des familles concernées, sans davantage de précisions.

Les associations représentatives des publics de personnes sourdes ou malentendantes et de leurs familles déplorent l’évolution de la rédaction du décret et s’en inquiètent, tant rien n’est actuellement prévu pour que les maisons départementales assument cette mission.

Si le bilan des premières années des centres d’information sur la surdité est loin d’être parfait, il n’en reste pas moins que la garantie d’un espace complémentaire d’information neutre, objective et diversifiée sur la surdité était à confirmer et à développer.

Mis en place au niveau régional depuis quelques années, les centres d’informations sur la surdité sont issus des propositions d’un rapport parlementaire sur la situation des personnes sourdes remis au Premier ministre en 1998. Il s’agissait d’ailleurs de la proposition qui avait été approuvée unanimement par l’ensemble des associations représentatives dans le cadre des travaux du comité de pilotage de la DGAS mis en place juste après la remise du rapport pour étudier la faisabilité des propositions. Il importait à tous les publics concernés, au delà des différents choix qu’ils pouvaient proposer, de pouvoir s’en remettre à une structure neutre chargée de délivrer l’information tout en contribuant à la définition de cette information. C’est ainsi qu’il était prévu que chaque CIS soit encadré par un comité de pilotage garantissant la participation de toutes les associations représentatives locales.

La spécificité de la surdité justifie que l’on fasse appel à des dispositifs spécialisés d’information, tant elle est nécessairement diversifiie puisque plusieurs choix (communication, éducation, appareillage, etc.) sont possibles et nécessitent justement une information préalable et complète.

Toutefois, le bilan mitigé des CIS régionaux est essentiellement dû :

  • la faiblesse des moyens alloués (30 000 euros annuels par région) ;
  • à l’éclatement du dispositif par région sans coordination entre les différents CIS, le département restant l’échelon répondant le plus adapté à la demande ;
  • au choix de l’administration d’installer ces CIS dans des structures relevant du secteur médico-social (les associations avaient unanimement alerté l’administration de la limite de ce choix, ce secteur, en matière de surdité, représentant souvent une partie seulement de l’information à apporter et les CIS étaient justement pensés pour éviter cette confusion) où la neutralité de l’accueil ne peut pas systématiquement être assurée ;
  • la méconnaissance par les permanents de l’ensemble des problématiques des personnes sourdes ou malentendantes, en particulier de celles des personnes devenues sourdes ou malentendantes (une personne atteinte de surdité acquise, quelque soit le degré, est en effet très démunie et en grand déficit d’information sur ce qui va pouvoir l’aider : les différentes thérapies, appareillages ou implants, les aides techniques, les financements, l’apprentissage de la lecture labiale, le suivi de rééducation auditive, le soutien psychologique, l’apport des associations, etc. Il y a là un réel besoin d’information, qualitativement et quantitativement très important. La pratique montre d’ailleurs que ce public spécifique de personnes devenues sourdes et malentendants est largement représenté parmi les visiteurs des CIS),
  • au profil de poste des permanents chargés de l’accueil dans les CIS tel qu’il est défini dans la circulaire signée conjointement par la DGAS et la DESCO.
  • La faiblesse de ce dispositif a fait, entre autres, que les CIS ne sont aujourd’hui absolument pas positionnés dans le circuit des parents qui découvrent la surdité de leur enfant et ne répondent pas suffisamment aux attentes et aux questions des personnes devenues sourdes et malentendantes. Ceci est également dû à la frilosité des intervenants médicaux quant à l’idée de à partager à cette mission d’information avec d’autres intervenants. l’absence de moyens n’a pas permis non plus de mettre en place un véritable accompagnement à l’information. En effet, sur ce sujet, on ne peut se contenter d’une seule consultation à la permanence d’un CIS pour disposer d’une information suffisante. Il s’agit d’un processus progressif qui doit démarrer au plus vite dès la surdité dépistée mais dont l’objectif n’est en aucun cas de devoir faire des choix alors que l’enfant n\’a que quelques semaines ou mois.

Ces limites de fonctionnement ne changent en rien la nécessité de disposer de cet espace d’information spécifique sur la surdité. Face à l’étendue et à la complexité des besoins, il convient bien au contraire de le renforcer et de lui consacrer davantage de moyens.

l’enjeu de cette information, prévue dans ce cadre spécifique, pour les parents est fondamental puisque c’est elle qui leur permettra de se positionner par rapport à la surdité de leur enfant et de l’appréhender au mieux. l’objectif de ce processus progressif d’information est que ces parents puissent faire des choix en toute connaissance de cause tout en ayant la possibilité d’acquérir les compétences nécessaires pour communiquer avec leur enfant. La difficulté majeure rencontrée par les enfants sourds de naissance est justement l’accès à la communication et à la langue (ou à des langues) et renvoie au nécessaire accompagnement des parents qui reste à mettre en place.

L’enjeu pour les personnes devenues sourdes ou malentendantes, qui obtiendront le maximum d’informations pertinentes et personnalisées, est de leur permettre de rester pleinement intégrées dans leur vie sociale et professionnelle.

Aussi, les associations représentatives demandent aux pouvoirs publics :

  • de prévoir une garantie réglementaire confirmant la mise en place d’un espace spécifique d’information sur la surdité, accessibles à tous les parents dès lors qu’ils apprennent la surdité de leur enfant et à toutes les personnes atteintes de surdité au cours de leur vie, et prévoyant la participation des publics concernés à la définition de cette information (cette garantie pourra passer par un décret simple pour que le décret « jeunes sourds » puisse y faire référence en prévoyant que les maisons départementales y fassent impérativement appel),
  • de lancer un chantier sur la réorganisation du dispositif actuel pour qu’il soit d’abord prévu au niveau national, par la mise en place d’un Groupement d’intérêt Public, par exemple, permettant la participation de tous les acteurs concernés : associations représentatives, professionnels, CNSA (pour le réseau des MDPH), éducation nationale, branche famille, etc ;

Ce dispositif national pouvant ensuite être décliné au niveau départemental par des conventions avec les MDPH. C’est cette organisation qui permettra de mieux mutualiser les ressources nécessaires, de concevoir une information efficace, d’animer et d’évaluer le réseau des dispositifs départementaux en assurant la formation des intervenants et en diffusant ses supports, et d’envisager ensuite les conditions de l’accompagnement des familles.