Intervention Marie-Anne MONTCHAMP – Colloque Unisda – Mai 2011

Discours de clôture

Madame Marie-Anne MONTCHAMP,
Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale

Monsieur le Maire du IXème arrondissement, monsieur Jacques Bravo
Monsieur le Président du CNCPH, cher Patrick Gohet
Monsieur le Président de l’UNISDA, cher Cédric Lorant
Monsieur le Vice-président de l’UNISDA, monsieur Jean-Louis Bosc

Je voudrais en premier lieu vous remercier pour votre invitation à conclure ce colloque, rassemblé à l’occasion de la restitution de l’Enquête sur le mal-être et la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques.

Le mal-être et la détresse psychologique touchent nombre de nos concitoyens, déficients auditifs ou non. Ce sont des maux que nous avons parfois tendance à qualifier de modernes, parce que l’on pense qu’ils sont dus à notre société, à son fonctionnement. En vérité, je pense que c’est sans doute parce que ce sont les souffrances les plus difficiles à comprendre, mais aussi à prévenir, parce que cela ne dépend souvent que très indirectement de nous, et que nous ne parvenons pas toujours à les identifier.

Chez nos compatriotes déficients auditifs, la détresse est encore plus difficile à appréhender, sans doute cette fois-ci, parce que nous ne connaissons que trop bien l’isolement dans lequel peut plonger le handicap et l’impact que peut avoir l’idée de son irréversibilité sur l’état d’esprit et de santé de la personne handicapée.

Je voudrais pour cela saluer l’initiative de l’UNISDA, de son Président, Monsieur Cédric Lorant et de son Vice-président, Monsieur Jean-Louis Bosc. Je sais, messieurs, l’investissement qui a été le votre dans ce projet : je veux vous remercier et vous féliciter d’avoir résolument voulu mettre en lumière la question que nous abordons aujourd’hui par une approche que je qualifierais de scientifique. Je veux aussi souligner les partenariats exemplaires que vous avez su mettre en œuvre pour faire de cette enquête et de sa restitution une réussite.

Depuis que je m’investis dans la vie politique, j’ai toujours encouragé – et je le fais encore plus depuis quelques mois – la société civile et les associations à s’engager dans ce type de démarches, car je les sais expertes et opérantes. Preuve est faite aujourd’hui encore de ces précieuses qualités : vous connaissiez le besoin, vous avez monté un projet, vous avez mobilisé les acteurs, vous avez réalisé votre enquête, et voici que ses résultats nous éclairent tous sur un sujet que nous soupçonnions sans vraiment savoir. Quels succès !

Sur la forme, je le disais il y a un instant, je suis particulièrement heureuse de la mobilisation réussie des différents acteurs et partenaires, qu’il s’agisse d’associations, de professionnels de santé, de professionnel du médico-social, des pouvoirs publics, du soutien apporté par des partenaires privés, et surtout des personnes sourdes et malentendantes et leurs proches qui ont bien voulu participer à l’enquête. A la lecture du nombre de répondants, 4 fois supérieur au chiffre attendu, je me dis qu’en effet, il y a beaucoup à attendre de vous tous ici réunis !

Sur le fond de l’initiative, je voudrais saluer le caractère particulièrement complet de l’étude réalisée, qui permet – qui « nous » permet, si vous m’autorisez – de mettre au jour les réalités d’un phénomène ignoré ou minimisé par de nombreux acteurs.

Riche, l’enquête l’est par les objectifs qu’elle s’était fixés et qu’elle a atteints :
 

  • mesurer l’existence d’une détresse psychologique parmi les personnes concernées par un problème auditif,
  • définir leur profil,
  • mesurer leur niveau de connaissance des structures de soin existantes,
  • identifier les attentes pour faire face aux problèmes évoqués.

Riche, l’enquête l’est aussi par la diversité des publics interrogés, qui permet d’appréhender de la plus juste des manières le phénomène, et, peut-être aussi les particularités des différents profils. Ce travail est indéniablement une première étape vers la conduite de travaux selon une méthodologie encore plus rigoureuse qui permettra d’approfondir notre connaissance.

Riche, l’enquête l’est enfin et surtout par les résultats qu’elle nous apporte. Cette photographie, ce premier état des lieux en France de la détresse psychologique des personnes sourdes et malentendantes, nous renvoie en effet à la question de l’amélioration de l’accès aux soins psychologiques des personnes sourdes.

Il vous a été présenté tout à l’heure les pistes d’actions de l’Etat en matière de prévention de la détresse psychologique, notamment les actions du plan déficients auditifs 2010-2012 qui mobilise mes services, ainsi je crois qu’un bilan rapide des actions qui concourent à cette politique de prévention.

Il n’est donc pas nécessaire que je revienne sur ces mesures. Sachez néanmoins que je partage vos convictions, notamment sur la sensibilisation des différents acteurs, que vous rencontrez quotidiennement, je pense aux maisons départementales des personnes handicapées, bien sûr, mais également aux services de l’Etat, à commencer, à l’échelon régional, par les ARS. J’en suis sûre, l’enquête que vous avez présentée aujourd’hui saura convaincre. Je demande devant vous à mes services d’en faire état dans leurs relations avec les acteurs institutionnels que je viens de mentionner.

Je me dois, à cet instant, d’évoquer la Grande Cause Nationale 2011 qui est la lutte contre la solitude. Je suis en effet toujours frappée, lorsque j’aborde le sujet avec les publics concernés, que le sentiment de solitude, auquel est liée la détresse psychologique, à plus forte raison chez les personnes sourdes et malentendantes, le sentiment de solitude, disais-je, est loin de correspondre à ce que les croyances collectives nous invitent à penser.
On pense que se sont les personnes âgées qui souffrent le plus de solitude, et en réalité, ce sont les 18-24 ans et les 35-49 ans. On pense que ce sont les plus démunis, et en réalité, ce sont les professions intermédiaires qui souffrent le plus.

La solitude est une expression de la détresse psychologique et lorsque l’on sait qu’elle touche 30% de la population française, on s’interroge sur le mal-être, qui recouvre des formes très diverses, chez nos compatriotes sourds et malentendants. Une chose est sûre, et votre enquête le montre bien, il existe bel et bien un écart entre les déclarations d’une personne souffrante et les déclarations d’un proche, fondées sur la perception. Ceci n’est en réalité malheureusement guère étonnant si l’on connaît la réalité des souffrances, et les difficultés à l’exprimer.

S’il est essentiel de poursuivre l’information et la sensibilisation des proches, pour aider nos compatriotes sourds et malentendants à sortir de cette détresse, à retrouver le lien social que la détresse psychologique distend, il nous appartient, à nous, les pouvoirs publics, à vous, les responsables associatifs investis notamment dans le fonctionnement local de nos dispositifs médico-sociaux, de poursuivre l’accompagnement et l’accès à l’information.

Pour moi, la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques représente un véritable enjeu d’inclusion sociale, qui, vous le savez, depuis la loi du 11 février 2005 est mon combat le plus engagé.

En effet, elle pose la double question de la participation de nos compatriotes à la vie de la société d’une part, et d’autre part de l’accessibilité. Ainsi, je suis convaincue que nous devons poursuivre nos efforts dans la mise en œuvre des dispositifs prévus par la loi, bien sûr, mais surtout, nous devons plus que jamais mobiliser l’ensemble des acteurs de la société. Tel est, mesdames et messieurs, notre défi d’aujourd’hui.

Pour des questions qui intéressent la société toute entière, ce sont tous ses acteurs – Etat, collectivités locales, entreprises, syndicats, partis, associations, familles, individus -, oui, tous ses acteurs qui doivent s’impliquer.
Cela ne signifie pas que l’Etat, que les pouvoirs publics n’aient plus rien à faire. Non. Ce que l’Etat doit savoir faire aujourd’hui, c’est également mobiliser, inciter, réguler. Je constate que c’est là où les pouvoirs publics ont su intégrer cette posture que nous avons pu faire bouger collectivement les lignes. Je pense en particulier au secteur de l’audiovisuel auquel la loi faisait l’obligation du sous-titrage, vous le savez mieux que personne. Sous l’impulsion du CSA, qui a su orienter intelligemment sa négociation avec les chaînes, grâce à votre implication constante à ses côtés, nous dépassons les objectifs. En 2005, nombreux étaient ceux qui me disaient que c’était impossible.

Je pense aussi aux progrès réalisés en matière d’accessibilité numérique et surtout à l’ouverture prochaine du Centre National Relais des Appels d’Urgence, pour lequel, je le sais, vous avez œuvré avec beaucoup d’intelligence et de détermination.

Je sais pouvoir compter sur l’UNISDA, et sur le secteur associatif en général, qui a été le premier à revendiquer la participation sociale des personnes handicapées et à interpeller les pouvoirs publics pour les associer à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques qui les concernent. Vous êtes aujourd’hui des acteurs clés de la construction de ce partenariat social renouvelé que j’appelle de mes vœux !

Mesdames et messieurs, je voudrais vous remercier une nouvelle fois pour votre accueil et cette enquête, précieux support pour les pouvoirs publics, qui ne pouvait pas mieux « tomber » à trois semaines de la Conférence Nationale du Handicap : sa résonance n’en sera que plus grande. Et grâce à l’enquête, je le sais, un premier pas, un premier cap déterminant est franchi.

Je vous remercie.

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